Quadrature
I
Sur mon flanc la cicatrice immémoriale
(la
biche apprivoisait la flèche).
Au cœur des branchages le craquement
du feu
le silex de mon ouïe derrière
chaque tronc.
Dans cette forêt les visages avaient
des mains pièges
les
ruisseaux des yeux d'épervier
et
des pattes lourdes de velours.
Les
nuits des ruses de fleurets.
Je vivais à côté des
sentiers
Il m'observait de loin.
Si j'avais transgressé son territoire
il aurait été sans merci
(je ne fréquentais qu'un petit étang)
Je ne dormais pas
je fourbissais mes sabots.
J'apprenais à sculpter des boucliers
avec
mes dents.
Les feuilles mortes se décomposaient
dans
mon sexe
la tourmente broutait à l'orée
je traversais les saisons.
Je me nourrissais de concombres
de baies sauvages de racines.
J'avais des yeux
de
sable.
J'ouvris les yeux Janus me prit
par la main
jumelle
et tam-tam.
Je saluai le cyclope. La cible de l'œil.
Je me dépêtrai. Je rendis les
armes.
Plus besoin de mes dents.
Je voulais grimper jusqu'à son oreille
(juste pour voir si lui il entendait)
Donc je m'approchai à pas feutrés
(je gribouillai un ours dans ma paume)
du trèfle au bout des doigts.
Je lancerai des osselets.
Je claquerai des mains.
Je toucherai la pointe de son silence.
II
J'effleure
ton talon
tu te penches pour te gratter.
Tu
m'aperçois.
Je dessine mon nom sur ton front.
Tu souris indécis (petite ricane)
tu regagnes ta tanière ondoyant.
Mes mains papillons étrillent la
crinière
des jours. Paix.
Je connais l'emplacement de ton antre.
Il y a longtemps dans un beau pays lointain
j'avais croisé une couleuvre vert
et or.
J'ai appris le chant des tranchées
le
dépistage des méandres.
J'ai envie de pleurer.
Pas seulement à cause de toi
(qu'importe).
Les
flocons tombent
je me recroqueville dans le fourreau de
la patience
enneigée
de crocs.
Je suis l'écureuil argenté
tu me verras
(même si les chips tu n'aimes pas).
Glissant impalpable absent
tu m'entendras.
J'ai attaché un mot au cou de la
renarde
rousse elle s'est glissée
dans
ton repaire.
Cuisses sauvages
les yeux en bandoulière
mes larmes mordent le pain
de ton ventre ongles dans ton écorce.
Fais-moi une place dans tes mains
(même si les noix salées tu
n'aimes pas).
Je dérive étendue sur ton
ombre
tu suintes comme une fresque.
Tu portes les cornes du silence
je m'y use les dents.
III
Érection de momie
tu baisais absent le cœur empaillé
pine mécanique le sablier du plaisir
à heure fixe les caresses
comme des questions écartées.
Tu t'enfantômais matador clapotait
ton
sexe dédale
carotte hiémale.
Tu m'enfoutrais cendres et glaces
tendresse creuse présence minimale.
Désert de toi à hurler
j'étouffai mes mots charognes
je ne savais pas qu'un nom
pouvait être si tranchant.
Tes phrases comme un labyrinthe souris
je
sanglotais oasis à naître
Sans âge j'avançais mendiante
tu faisais don de tes énigmes.
Tu me coupais les mains
je marchais dans mon sang borgne.
J'aurais voulu crier vomir
Tu m'étranglas. Je n'avais pas mal.
Je
fis la morte.
Un
jour
j'en parlerai plus clairement
coagulée.
IV
Le gnome a déserté la place
je n'ai plus peur de l'absence.
Il m'a craché dessus
j'ai pleuré puis haussé les
épaules.
Je
ne crains rien
j'ai des yeux au bout des doigts.
Je
mourais bâillonnée
j'ai aimé à petit feu
je vis rage flamme
(le
nain a vidé mes lieux).
Je renoue mes écheveaux
je débride mon souffle
je n'avais pas vu ses échasses mensonges.
Quand un géant en est privé
Il fuit (comme
un nuage mouillé un rat d'égout)
Parfois encore un flash incandescence
je mets mes lunettes fumées
(je
me bidonne)
À l'occasion un rêve colombe
esclaffée je me réveille
les
poings bien ronds.
Je
n'oublie pas
je marche.
Je ne tremble plus
je n'attends plus
j'avance.
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